Deuxième volet de la pentalogie imaginée par Lorne Lanning, mais troisième jeu de la série en réalité, Oddworld : Munch's Oddysee faisait partie en 2001 du catalogue de lancement d'une toute nouvelle machine, premier pas du géant Microsoft dans le marché très disputé des consoles de salon : la Xbox. Changement de génération oblige, la série opère un virage 3D avec cet épisode, impliquant alors de repenser ses mécaniques de gameplay. À commencer par l'introduction d'un second personnage que l'on peut contrôler, en plus de l'iconique Abe : Munch, dernier survivant de son espèce. Ayant déjà profité d'un petit coup de polish HD il y a une dizaine d'année, le titre fait aujourd'hui ses premières armes sur une console Nintendo, la Switch, pour un résultat pour le moins mitigé.
Alors qu'il est retenu prisonnier, Munch, le dernier Gabbit de son espèce, parvient à s'échapper. Il rencontre sur son chemin notre cher Abe, venu lui prêter main forte pour libérer les malheureuses créatures encore sous le joug des infectes laborantins Vykkers.
Abe à la rescousse
Quiconque a déjà posé ses mimines sur un titre issu de la licence Oddworld sait combien l'univers conçu par Lorne Lanning est fascinant, avec son ambiance lugubre et son humour parfois bas-de-plafond, ce qui n'empêche pas l'élaboration d'une vraie réflexion sur les travers d'une industrialisation à l'excès, destructrice des écosystèmes environnants. La beauté de ce monde imaginaire s'exprime pleinement dans les nombreuses et (toujours) magnifiques cinématiques du jeu, témoignages d'une époque où un gap immense existait entre images de synthèse et séquences en temps réel. Concernant ces dernières, elles tiennent plutôt la route, grâce au lissage HD déjà opéré il y a une décennie.
En revanche, on peut regretter un manque criant de variété dans les environnements traversés, qui se limitent strictement à des marais et à des usines qui donnent tous dans le ton verdâtre, là où les deux premiers épisodes 2D jouissaient d'arrière-plan colorés et variés. Relevons également l'extrême répétitivité de la bande son qui, hormis lors des cinématiques, se contente de former des boucles de quelques secondes...
Fluide en toutes circonstances, le jeu n'échappe pas à quelques pépins techniques. Lors de ma partie s'étant étalé sur un peu plus de 10h, l'IA des alliés (des Mudokons suivant Abe en l'occurrence) s'est coincée dans le décor, ce qui m'a forcé à redémarrer la séquence, et l'une de mes sauvegardes ne s'est pas correctement chargée, sollicitant une sauvegarde antérieure. Ce n'est pas bien dramatique mais pour le portage d'une édition HD déjà existante, ça fait un peu tache. Portage qui se passe d'ailleurs de toute localisation française (alors que le jeu original en proposait), sans sous-titres ; alors quand les personnages couinent plus qu'ils ne parlent, je vous laisse imaginer l'effort qu'il faut fournir pour capter ne serait-ce qu'un mot sur deux.
Le cri de Munch
Alors que les deux premiers titres parus sur PlayStation nous permettait uniquement d'incarner Abe, celui-ci nous invite à suivre les pérégrinations de Munch, le joueur pouvant alterner entre les deux dans la plupart des missions. Chacune présente un certain nombre d'énigmes (ennemis à contourner/neutraliser, portes à déverrouiller, mécanismes à enclencher...) qui nécessitent de faire appel à nos deux compères par intermittence. Les deux sont par ailleurs assez complémentaires : quand Abe peut sauter, diriger ses compères Mudokons ou enchanter des ennemis, Munch peut nager, décamper en fauteuil roulant ou donner des ordres aux Fuzzles, petites boules de poils agressives qui lui obéissent. Si on ajoute à cela les distributeurs qui octroient des bonus temporaires différents (rapidité, capacité de saut accrue pour Abe, invisibilité, possibilité d'électrifier ses adversaires pour Munch...), les approches sont plutôt variées.
L'un des principes du jeu, hérités des précédents épisodes, consiste à secourir le maximum de Mudokons, de Fuzzles ou d'oeufs de Gabbits afin de pouvoir bénéficier de la "bonne fin", si le quarma est supérieur à la moyenne. Cela pimente un peu la partie, même si c'est contrebalancé par quelques séquences véritablement frustrantes et répétitives, surtout lors des confrontations directes de Munch avec les Vykkers vers la fin du jeu. Par moment, le jeu se mue en bête et peu gratifiant die and retry ; on se félicite alors de l'inclusion par les développeurs d'un système de sauvegarde rapide car on y aura recours très, très souvent.
On pourra toutefois regretter que ces derniers n'aient pas eu la bonne idée de réadapter certaines touches puisque, par exemple, la touche B est sollicitée à la fois pour sauter, saisir un Mudokon ou se servir au distributeur, ce qui entraîne parfois trois à cinq essais pour réussir l'action désirée. C'est d'autant plus incompréhensible que d'autres touches ne sont quand à elles quasiment jamais exploitées : l'une d'entre elles ne sert qu'à courir... ou à lâcher une perlouse.